Données dimensionnelles de hêtres américains dans un climat changeant

La recherche sur les données environnementales rencontre les installations d’art numérique dans l’espace public

Blandine Courcot, Gisèle Trudel et Marc-André Cossette

 

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> Les manuscrits scientifiques de ce catalogue sont en cours de peer reviewing (“évaluation par les pairs”). Les articles finaux seront publiés sur climanosco.org.

 

L’aspect dimensionnel de données peut être compris aussi bien comme une mesure physique que comme une caractéristique de qualité d’une chose ou d’une situation. Le présent texte émane d’une scientifique et de deux artistes. Ils ont collaboré pour produire une installation artistique et la publier en tenant compte de la discussion suscitée. Nous commençons l’article par une digression sur les sciences du climat et nous nous penchons sur quelques termes techniques en rapport aux hêtres comme le “potentiel hydrique du sol”, la “température du sol” et la “sécheresse éclair”. Nous nous appuyons pour cela sur des données provenant de capteurs scientifiques environnementaux. La deuxième partie présente l’interprétation artistique des hêtres et des données météorologiques à l’aide d’un logiciel spécial – des visualisations évocatrices de valeurs seuils des hêtres. Dans la troisième partie, nous discutons de l’œuvre d’art intitulée Beech-Becomings (2023), qui est née de l’exploration de ces données climatiques et qui a été présentée comme troisième installation extérieure de MÉDIANE, la Chaire de recherche du Canada en arts, écotechnologies de pratique et changements climatiques.

Les dimensions de la température du sol, de la sécheresse éclair et du potentiel hydrique du sol des hêtres dans les données scientifiques environnementales

Face au changement climatique, l’écologie forestière se penche sur une question centrale : sous le nouveau régime climatique, comment les forêts vont-elles se développer dans le temps et dans l’espace?
Nous avons étudié comment une forêt d’érables à la limite nord de la zone de répartition des forêts tempérées de feuillus au Québec se comporterait sous ce nouveau régime climatique. [Cette limite nord de la zone de répartition représente la ligne à partir de laquelle, plus au nord, il ne pousse plus de forêts de feuillus typiques des latitudes tempérées]. Pour répondre à cette question, j’ai étudié l’évolution temporelle du potentiel hydrique du sol, et ce au sein du DOT-Lab, à l’interface entre sciences des données et sciences de l’environnement, sous la direction du professeur Daniel Lemire et du professeur Nicolas Bélanger [DOT-Lab, 2023]. En tant que scientifique impliqué dans le projet, j’ai contribué une partie de mes recherches à la collaboration art/sciences présentée ici.

Puisque nous parlons de transition vers un « nouveau standard» ou encore une « nouvelle norme », nous devons pour le moins nous pencher brièvement sur les tendances mondiales projetées en matière d’événements extrêmes. L’étude de l’influence des facteurs locaux gagne en importance. C’est particulièrement vrai dans le contexte de changement de l’équilibre hydrique de la Terre, avec des événements climatiques extrêmes plus probables, plus intenses et plus longs [D. Herring, 2020]. Par ailleurs, il est devenu plus difficile de définir les événements de sécheresse, car le cadre de référence se déplace [S. Stevenson et al., 2022].

Chaque espèce d’arbre réagit aux événements extrêmes en fonction de sa capacité à résister aux perturbations, c’est-à-dire de son niveau de résilience [C. Holling, 1996]. Pour expliquer la notion de résilience en écologie, on peut utiliser une analogie. Imaginez une balle dans un paysage de collines. La balle peut être stable dans une cuvette entre deux collines. Si une légère perturbation extérieure parvient à faire rouler la balle par-dessus une colline dans une autre cuvette, la balle a une faible résilience, car sa capacité à résister aux perturbations est faible.

Le manque d’eau représente un type de perturbations possibles pour les arbres. Kögler et Söffker ont identifié plusieurs niveaux de stress selon la durée et l’intensité du manque d’eau [F. Kögler and D. Söffker, 2020] (figure 1). Le stress peut être positif pour un arbre jusqu’à une certaine limite, mais au-delà de celle-ci, il laisse des dégâts et peut entraîner la mort de l’arbre. Cette limite entre deux états est appelée “point de basculement”. Si l’on se réfère à notre exemple avec la balle, le sommet de la colline correspond au point de basculement.

La mort d’un arbre est un processus complexe dans lequel différentes interactions et dépendances, tant internes qu’externes, jouent un rôle [Nate G. McDowell et al., 2022]. Je me suis concentré [dans mes recherches] sur ce qui se passe dans le sol.

 

Figure 1 : Ce graphique a constitué le point de départ de la collaboration entre Trudel, Cosette et Courcot. Il montre le point de basculement de l‘hêtre. Tiré de [F. Kögler and D. Söffker, 2020].

La figure 1 peut être considérée comme un tournant dans mon dialogue avec les deux artistes Trudel et Cossette. Le graphique est le point de départ de notre collaboration, qui portait sur la capacité des hêtres à s’adapter aux sécheresses éclair – c’est-à-dire à de courtes périodes de sécheresse extrême [J. A. Otkin et al., 2018]. Dans nos discussions, nous avons considéré le point de basculement comme une leçon de résilience de la part de l’arbre, destiné à être partagée avec le public par le biais d’expressions artistiques. La deuxième bande du graphique montre la nouvelle position du point de basculement, déplacée par les conséquences positives d’un stress. Le fait que le stress puisse également avoir des effets positifs est, à notre avis, une information importante pour le public en ce qui concerne le changement climatique.

Mon étude scientifique prend place dans le cadre expérimental du projet pancanadien Smartforests [C. Pappas et al., 2022 ; Smartforests, 2023] et la station de recherche Station de biologie des Laurentides (SBL) de l’Université de Montréal à Saint-Hippolyte au Québec [SBL, 2023]. Smartforests Canada est l’un des principaux partenaires de MÉDIANE. Le terrain de l’étude s’étend à 32 stations de recherche. Des arbres similaires poussent dans chaque station [N. Bélanger et al., 2021]. Trois types primaires de forêts ont été identifiés : Forêt mixte (MW), Forêt de feuillus (HW) et Forêt de feuillus de hêtres (HB). Le hêtre américain (Fagus grandifolia) est l’espèce prédominante des sites HB et constitue le cœur de mon propre travail de recherche au sein du DOT-Lab.

Chaque station dispose de capteurs qui mesurent le potentiel hydrique et la température du sol. Des millions de mesures ont été collectées au SBL entre 2017 et 2020. De plus, des données météorologiques telles que la température de l’air et du sol, les précipitations, le rayonnement solaire et la teneur en eau ou l’humidité du sol ont été collectées [B. Courcot, 2023].

Le potentiel hydrique du sol est exprimé en unités de pression [kPa] et est lié à la capacité d’un arbre à absorber l’eau du sol. Si le potentiel atteint des valeurs positives élevées, l’arbre est en situation de stress hydrique. Mon étude a montré que les hêtres américains se comportent différemment des sapins baumiers et des bouleaux en cas de sécheresse éclair. En effet, les hêtres américains sont en mesure de réguler la température du sol qui les entoure dans une forêt de hêtres et d’érables à canopée fermée et maintiennent ainsi le potentiel hydrique du sol à un niveau bas, comme le montrent les figures 2 et 3 dont les mesures ont été effectuées lors de la deuxième sécheresse éclair en 2020 [B. Courcot et al., 2023]. C’est un avantage pour le hêtre, car les périodes de sécheresse seront de plus en plus fréquentes.

Figure 2: Évolution du potentiel hydrique du sol [kPa] pour les sites avec érable et sapin (MW, vert), érable et bouleau (HW, rouge), et érable et hêtre (HB, jaune). Précipitations journalières en bleu.

Figure 3: Évolution de la température du sol [°C] pour MW, HW et HB.

Pour reprendre maintenant la balle de notre exemple plus haut, rappelons que les espèces moins résilientes basculent plus facilement et plus rapidement de nouveaux états. Il n’est toutefois pas facile de déterminer les conditions en questions. Les informations obtenues à partir des données collectées me permettent de saisir une partie du monde empirique des arbres, mais je n’obtiens toujours qu’un instantané limité dans le temps.

Comment cette dynamique perçue par les arbres peut-elle être transmise à des personnes qui ne sont pas familières avec la recherche ? Comment traduire en images animées les phénomènes dimensionnels contenus dans les données ? Comment représenter de manière compréhensible les points de basculement entre les différents états d’un être vivant (l’arbre en l’occurrence) ?

Synthèse dimensionnelle d’images de données scientifiques environnementales en art numérique

J’écris cette section en tant qu’artiste, musicien et doctorant. Ma contribution à cette collaboration est de permettre une expérience sensorielle des données scientifiques sur le changement climatique. Comme nous l’avons discuté dans la section précédente, notre partenaire scientifique Courcot utilise différents types de graphiques et d’histogrammes pour analyser de grands ensembles de données et en dériver des tendances. Si l’on ne regardait que les chiffres, ces tendances seraient à peine visibles. Le processus de représentation graphique offre un moyen de traduire des données abstraites en une expérience sensorielle dimensionnelle à l’aide de couleurs et de formes. Comment faire comprendre les données à l’aide de dispositifs sensoriels et sans devoir recourir à des connaissances et à une expérience étendue en matière de sciences environnementales ? Les artistes peuvent animer les graphiques bidimensionnels. Ils ajoutent une dimension temporelle et spatiale aux images statiques – un autre point de basculement entre deux états. En activant les mouvements contenus en puissance dans les séquences de mesure, celles-ci deviennent soudain perceptibles par un public qui n’a pas de formation en sciences environnementales.

En janvier 2023, la première phase de réalisation artistique a débuté à Hexagram-UQAM. Un logiciel spécial conçu pour créer des synthèses d’images hautement personnalisables** est employé à cette fin. Le programme utilise le langage de programmation Python [Patrik Lechner, 2014 ; Hexagram, 2023]. J’ai tout d’abord décomposé les tableaux de données mis à disposition par Courcot afin de pouvoir filtrer les données relatives aux hêtres. Comme point de départ pour l’étude de ce nouveau jeu de données, j’ai créé avec Trudel des graphiques simples avec des lignes tridimensionnelles qui pouvaient être observées sous différents angles. Pour une observation plus détaillée, j’ai conçu une “fenêtre de données” qui pouvait se déplacer dans le temps à travers le jeu de données. Une fenêtre supplémentaire se déplaçait à travers les différentes stations de recherche dans lesquelles des hêtres sont plantés. J’ai ainsi pu mettre en évidence les changements saisonniers du printemps à l’automne. Ces “fenêtres de données” peuvent être ajustées à la fois en largeur et en vitesse. Cette nouvelle méthode de “zoom avant et arrière” sur l’ensemble des données et l’observation du mouvement spatio-temporel offre une nouvelle perspective sur la manière dont les arbres vivent la température du sol et la disponibilité de l’eau. Elle révèle comment le sol et les arbres se comportent dans leur propre environnement dimensionnel. C’est devenu la base de nos visualisations sensorielles.

À plusieurs reprises, nous avons fait évoluer cette technique de visualisation des données et de leur comportement dans le temps, un peu comme une chorégraphie : la danse de l’arbre avec ou sans eau et les variations de température du sol. Notre réflexion s’est déplacée de la valeur spécifique de chaque point de données pour se focaliser sur les changements entre points, sur les relations et les points de basculement. Nous avons ainsi mis l’accent sur de nouveaux schémas émergeants au sein et entre les différents ensembles de données : Des moments de stabilité et des changements brusques, ainsi que des tendances récurrentes sur des périodes données.

Au fur et à mesure de l’évolution du projet jusqu’en avril 2023, nous avons à maintes reprises remis en question la pertinence des visualisations. Nous nous sommes demandé si les visualisations contribuaient de manière significative à l’expérience de la nature des données collectées et analysées, même sans trop s’appuyer sur des légendes et des références textuelles. L’exploration des formes et des couleurs a été un aspect déterminant du processus créatif. Celles-ci sont souvent choisies au hasard par les scientifiques et n’ont donc aucune signification pour les non-spécialistes. Le logiciel susmentionné nous a permis d’expérimenter différentes visualisations : cercles tournants, lignes et points colorés, simulation de division cellulaire, systèmes de particules** et algorithmes fractals. Ces simulations ont créé des images de souches d’arbres, de cellules de feuilles microscopiques, de chaleur et d’eau, de branches et de racines. Dans chaque exemple, les données numériques ont été utilisées dans la fenêtre de données sélectionnée (période et vitesse) pour contrôler les paramètres propres au système, ce qui a donné à chaque simulation un langage visuel propre aux données visualisées.

Pour l’œuvre finale, nous avons choisi huit tendances particulièrement incisives et les avons associées à des données pertinentes. Le potentiel hydrique du sol est par exemple simulé par des points disposés en cercles qui se déplacent comme une souche d’arbre avec ses cernes (illustration 4). L’humidité du sol est représentée sous la forme d’un rendu fractal, ce qui rappelle des racines qui s’étendent vers le bas (figure 5).

 

Figure 4: Ælab et MÉDIANE (2023). Devenir-Hêtre [extrait du logiciel Touch Designer]. Séquence d’images montrant le système de particules comme la relation entre la température et le potentiel hydrique du sol. Crédit : Programmation visuelle par Marc-André Cossette.

Figure 5: Ælab and MÉDIANE (2023). Devenir-Hêtre [screen grab from Touch Designer software]. Credit: Visual programming by Marc-André Cossette.

Une simulation montre comment le rayonnement de la lumière du jour entraîne la photosynthèse et donc la division cellulaire (figure 6). Tous ces systèmes se déplacent en même temps que la fenêtre de données, de façon à créer un résumé des saisons du printemps à l’automne. Nous avons rendu possible d’expérimenter six mois de données en seulement quelques minutes. Nous avons ainsi accéléré la croissance de la forêt afin qu’elle puisse être saisie à l’échelle du temps humain.

Figure 6: Ælab et MÉDIANE (2023). Devenir-Hêtre [capture d’écran du logiciel Touch Designer]. Crédit : Programmation visuelle par Marc-André Cossette.

Enfin, nous avons défini un schéma temporel, précédemment décrit comme sécheresse éclair, sous la forme d’une séquence de 1000 points de données situés en dessous d’un certain potentiel hydrique, puis avons utilisé ce schéma comme déclencheur de changements visuels (figure 7). Grâce à cette technique, l’ensemble de l’installation artistique se réfère à tous niveaux à la dimension temporelle des données. Elle englobe désormais le mouvement contenu en puissance dans chaque graphique ainsi que la composition de l’ensemble des graphiques sur une période prolongée.

Figure 7: Ælab et MÉDIANE (2023). Devenir-Hêtre [séquence du logiciel Touch Designer]. Séquence d’images montrant le système de particules comme la relation entre la température et le potentiel hydrique du sol. Crédit : Programmation visuelle par Marc-André Cossette.

La résilience dimensionnelle des hêtres dans une installation artistique en plein air

J’écris cette section en tant qu’artiste, professeure et directrice de MÉDIANE, la Chaire de recherche du Canada en arts, écotechnologies de pratique et changements climatiques (2020-2025, financée par le CRSH, CFI, FRQSC). L’équipe, composée de scientifiques, d’étudiant·es, d’artistes et de spécialistes conçoit, met en scène et présente les recherches scientifiques du groupe Smartforests Canada lors d’installations artistiques annuelles en plein air. Les travaux de recherche de Smartforest font partie d’un réseau mondial d’initiatives interconnectées visant une reconnaissance systémique des forêts [Jennifer Gabrys, 2016]. Les œuvres audiovisuelles se composent de carreaux vidéo LED contrôlés par ordinateur, de son immersif et haptique, de synthétiseurs modulaires ainsi que de divers capteurs. Le tout est présenté en plein air sous la forme d’un “laboratoire d’exposition”. L’équipement technique est monté sur échafaudage. En tant que parties visibles, les câbles et les fixations font partie de l’installation, tout comme les incidences de la météo, des arbres et des plantes, du vent et des êtres habitant la forêt. La construction de tubes, modulaire et sans paroi, fait penser à l’architecture moderne ou à des expériences scientifiques en forêt (illustrations 8, 9 et 10).

L’œuvre est conçue comme un “chantier”, un lieu ouvert au dialogue sur les données scientifiques. Cela implique de promouvoir la capacité à lire et comprendre des données [David Spiegelhalter, 2019], afin que le public soit en mesure de remettre en question les données présentées et la manière dont elles le sont. Le public s’intéresse généralement à la contribution de la recherche aux sciences du climat, mais il est rare qu’il se rende dans des musées ou des galeries pour y faire l’expérience de l’art ou de la science.

Figure 8: Ælab et MÉDIANE (2023). Devenir-Hêtre [installation numérique extérieure]. Fondation Grantham pour les arts et l’environnement, Saint-Edmond-de-Grantham, Québec. Vue de l’installation. Crédit photo : Gisèle Trudel.

Figure 9: Ælab et MÉDIANE (2023). Devenir-Hêtre [installation numérique extérieure]. Fondation Grantham pour les arts et l’environnement. Les tuiles vidéo DEL sont placées face à face en demi-cercle, avec un son ambiophonique et un ensemble de haut-parleurs placés au sommet. Crédit photo : Richard-Max Tremblay.

Figure 10: Ælab et MÉDIANE (2023). Devenir-Hêtre [installation numérique extérieure]. Fondation Grantham pour les arts et l’environnement. À l’avant-plan, une composante de l’installation, la table “son tactile” où les gens peuvent s’asseoir ou s’allonger et recevoir un “massage sonore” à partir de transducteurs placés sous la plateforme. Crédit photo : Richard-Max Tremblay.

Le troisième projet artistique de MÉDIANE, Devenir-Hêtre, ou en anglais Beech-Becomings, a été présenté en mai 2023 dans une forêt de la Fondation Grantham for the Arts and the Environment [Devenir-Hêtre, 2023 ; Grantham Foundation, 2023]. Ce lieu reflète l’objectif de la Chaire d’échanger avec différents publics cibles sur les forêts et le changement climatique, afin de faire émerger des conversations nouvelles et heuristiques. Des échanges libres, sans pression, sans connaissances préalables ou intérêt présupposé. Le projet coïncide avec une augmentation générale des collaborations entre l’art et la science [M. G. Tosca et al., 2021 ; N. Li et al., 2023] et la prolifération d’œuvres d’art contemporaines thématisant les relations symbiotiques entre arbres et médias numériques [J. Tingley, 2020-23 ; R. Smite and R. Smits, 2020 ; Agnes Meyer-Brandis, 2013].

Les deux précédentes installations de MÉDIANE ont été présentées respectivement dans des environnements urbains [bois eau métal, 2012, Orée des bois, 2022], respectivement dans un jardin botanique et dans un jardin communautaire situé sur le campus d’une université. Les collaborations de la Chaire sont conçues comme des forums publics qui ajoutent de nouvelles dimensions aux données de la recherche climatique par le biais d’expériences sensorielles issues de l’art numérique. Un point critique pour l’art numérique est le défi de présenter des installations en plein air afin de permettre une confrontation active avec le changement climatique. L’œuvre d’art est soumise aux mêmes conditions environnementales que les arbres, qui bravent le froid, la pluie ou la chaleur : l’immédiateté de “l’être sur place”, à la fois provocante et magnifique. Les données scientifiques étudiées ont été collectées au SBL pendant la première année de la pandémie – une période d’effondrement écologique et social. Chaque point de données qui documente la résilience des hêtres contribue à une image plus précise du climat actuel et futur. Dans le même temps, il implique le public dans de nouvelles manières d’appréhender, de réfléchir et d’apprendre à vivre avec les changements, qu’il s’agisse de ses propres changements ou de ceux d’autres êtres vivants.

Les rencontres avec le public favorisent la circulation d’idées et d’actions créatives. Certaines d’entre elles ont été recueillies lors d’entretiens semi-dirigés et volontaires de 7 questions chacun. En mai 2023, 300 personnes ont visité l’installation (figures 10 et 11). 76 personnes âgées de 8 à 85 ans ont participé à l’enquête. Les données recueillies lors de ces entretiens anonymes ont dissipé les préjugés sur le manque de connaissances ou de sensibilité au changement climatique et ont confirmé que les arbres jouent pour beaucoup de personnes un rôle important. Il est également apparu que la créativité et l’interdisciplinarité constituent une approche importante pour aborder les problèmes environnementaux urgents dans un esprit d’ouverture et de collaboration.

 

En résumé

Les points de basculement des hêtres, exacerbés par le manque d’eau et la hausse des températures, fournissent des données scientifiques pertinentes sur la résilience des arbres. Ces données permettent à leur tour de créer des visualisations artistiques des données. Les différents niveaux de “stress positif” des hêtres sont exprimés en chiffres, en séquences temporelles de données et par rapport à leur impact sur la recherche collaborative et le public. Les dynamiques internes et externes des données recueillies sur les hêtres américains ont été magnifiées par des visualisations sensorielles et exposées dans une installation artistique en plein air. L’ouverture du dialogue sur le changement climatique par le biais de la créativité et l’écriture collaborative de ce texte interdisciplinaire sont autant de moyens supplémentaires de percer les limites de la recherche pour le public, lui aussi concerné par le changement climatique.